France : en démontant les remontées mécaniques à l’abandon, les stations « tournent la page »

Plus de 3 000 installations de remontées mécaniques sont à l’abandon dans l’hexagone. © Pixabay

Au signal, les bénévoles tirent un grand coup sur la corde et le premier pylône s’abat sous les vivats : dans quelques heures, le téléski de Saint-Firmin (Hautes-Alpes), abandonné à la rouille depuis quinze ans, aura totalement disparu du paysage. Un à un, les huit piliers fichés sur un flanc de montagne aux portes de la magnifique vallée du Valgaudemar (massif des Ecrins) sont déboulonnés à la disqueuse thermique et tombent lourdement dans la pente herbeuse. Ils sont découpés puis évacués par les services de la mairie. Au total, les quelques huit tonnes d’acier seront récupérées par un ferrailleur local.

Plus haut, sur un autre versant, un troupeau de moutons observe placidement cette scène insolite. Carmen Grasmick, l’une des quinze bénévoles de l’association Mountain Wilderness qui pilote l’opération de démantèlement, elle, est ravie : « Enfin ça tombe ! ». En cette quasi-tropicale journée d’octobre, il est évident que le petit téléski bâti en 1963 n’avait aucun espoir de rémission : la neige, jadis abondante, s’y est raréfiée en raison de l’exposition sud et de la faible altitude (1 550 mètres au plus haut) de la station. Et les goûts des skieurs et les normes ont, eux aussi, évolué.

Au moins 3 000 installations à l’abandon en France

Le chantier, le 70e de ce type pour l’association, dont une vingtaine de remontées mécaniques, entre dans le cadre de sa campagne « Installations obsolètes », lancée en 2001, et qui vise à dépolluer les sites montagnards en concertation avec les autorités locales. Selon son recensement, au moins 3 000 installations rouillent paisiblement dans les massifs français, dont plus d’une centaine de remontées mécaniques parfois littéralement oubliées.

On y trouve aussi d’innombrables déchets militaires, industriels, forestiers ou agricoles (câbles de débardages, paravalanches, vieilles clôtures). Certains sont dangereux, comme des barbelés de la Seconde Guerre Mondiale qui blessent les ongulés sauvages et les moutons au pâturage. Tout démonter représenterait une tâche dantesque. « On sait bien qu’on n’arrivera pas à enlever cela à nous tous seuls », explique Carmen Grasmick. Les chantiers ont avant tout une valeur symbolique et pédagogique, y compris chez les décideurs, souligne-t-elle.